
LA PIÈCE
Samuel Simorgh lave une voiture. Pas n’importe laquelle. C’est la voiture d’Emeline, une de ses anciennes petites amies qu’il n’a pas revue depuis dix ans. Tout en passant la peau de chamois sur la carlingue, il raconte les six derniers mois de sa vie. D’abord comment tout a basculé pour lui du jour au lendemain. Sans ressources, sans amis, black boulé, Samuel consulte alors un magnétiseur qui interprète sa faillite d’une manière nouvelle : c’est un signe du destin . Samuel a vu, juste avant de passer son ordre en bourse, un « oiseau de malheur », un engoulevent, et c’est ainsi que la catastrophe s’explique. Prémonition ? Coup de pouce du destin ? Dans la foulée, son magnétiseur lui révèle que le nom qu’il porte, Simorgh, est un nom d’oiseau. Pas n’importe quel oiseau. Un oiseau de légende, sage, grandiose, l’oiseau de la connaissance. Et voilà qu’ainsi plumé, Samuel s’envole pour le village de Joyeuse dans l'Ardèche. Au cours d’une promenade il s’introduit dans une grotte et tombe nez à nez avec des peintures rupestres d’aurochs vieilles de dix mille ans. Nouvel électrochoc. Samuel retrouve ensuite le journal intime qu’il a tenu lorsqu’il était enfant. Puis nous raconte son histoire d’amour fulgurante vécue avec Chiara et terminée aux urgences de l’hôpital. Dans les trois dernières scènes, la parole de Samuel évolue. Il ne parle plus du véhicule qu’il est en train de laver, il ne parle plus de la situation concrète dans laquelle il est. C’est comme s’il lâchait le simulacre. C’est comme s’il sortait de la représentation. Comme si ce qu’il nous avait montré jusque là n’était qu’une représentation de ce qu’il avait vécu quelques jours, mois, années plus tôt. Désormais il s’adresse à nous au présent de la représentation comme à une veillée. En brisant ainsi les codes de la représentation il ne reste plus à Samuel qu'à s'adresser au public et c'est ce qu'il fait dans le dernier chapitre « Le visage des autres ». Samuel se cherche un nouvel interlocuteur pour continuer à parler mais cette fois à deux, comme si, in fine, le monologue faisait retour sur ce qu'il est : une parole solitaire.

L'AUTEUR
Fabrice Melquiot
Fabrice Melquiot est écrivain, metteur en scène et performer. Il a publié une soixantaine de pièces de théâtre (L’Arche Editeur et à l’école des Loisirs), des romans graphiques (Gallimard et L’Elan Vert), des recueils de poésie (L’Arche et Le Castor Astral) et des O.L.N.I. (La Joie de lire, Global Books).
Il a été auteur associé à plusieurs théâtres et compagnies : la Comédie de Reims, les Scènes du Jura, le Centre Dramatique National de Vire, le Théâtre du Centaure à Marseille, le Théâtre de la Renaissance d'Oullins, le Théâtre de la Ville à Paris, Les Quiconces-L'Espal au Mans.
Il a collaboré avec de nombreux.ses metteur.se.s en scène : Emmanuel Demarcy-Mota, Paul Desveaux, Mariama Sylla, Roland Auzet, Dominique Catton, Arnaud Meunier, Pascale Daniel-Lacombe, Stanislas Nordey, Marion Lévy, Patrice Douchet, Ambra Senatore, Matthieu Roy, Matthieu Cruciani, Jean-Baptiste André, Joan Mompart, etc.
Son travail a souvent été récompensé : Grand Prix Paul Gilson de la Communauté des radios publiques de langue française, prix SACD de la meilleure pièce radiophonique, prix Jean-Jacques Gauthier du Figaro, Prix Jeune Théâtre de l'Académie Française pour l'ensemble de son œuvre, deux prix du Syndicat National de la Critique : révélation théâtrale et meilleure création d’une pièce en langue française ; prix du Festival Primeurs de Sarrebruck, Deutscher Kindertheaterpreis…
Ses textes sont traduits dans une douzaine de langues.
Il dirige depuis 2012 le Théâtre Am Stram Gram de Genève, Centre International de Création et de Ressources pour l’Enfance et la Jeunesse.